Le 30 mai à 21h, le Festival de Jazz de Saint-Louis accueillera une déferlante d’énergie libre et poétique avec le trio « Tornado », mené par le pianiste minorquin Marco Mezquida, accompagné de deux complices de longue date : Masa Kamaguchi à la contrebasse et Ramon Prats à la batterie. Trois musiciens qui partagent bien plus que la scène : une véritable amitié musicale nourrie par des années de route, d’improvisation et d’écoute.
Avec Tornado (autoédité, 2023), Mezquida propose une musique à fleur de peau, pleine de contrastes : un souffle sonore capable de passer de la tempête la plus intense à un murmure intime, presque suspendu. Sur scène, pas de plan figé : chaque concert est un voyage improvisé, un moment unique où technique et spontanéité s’entrelacent dans l’instant.
Marco Mezquida est l’un des pianistes les plus singuliers et fascinants de la scène jazz européenne. Explorateur sonore insatiable, il navigue entre jazz, musique classique, flamenco, pop et création contemporaine. Il a joué dans plus de 30 pays, enregistré près de 100 albums (dont 27 en tant que leader), et collaboré avec des artistes de tous horizons. De Tokyo à Buenos Aires, en passant par Barcelone ou New York, Mezquida fait partie de ces musiciens inclassables qu’on reconnaît dès la première note..

Une soirée pour les curieux, les rêveurs, les amoureux de liberté musicale. Une invitation à lâcher prise et à se laisser emporter. Pour l’occasion, nous avons interviewé Marco Mezquida.
1. Ta trajectoire combine une solide formation académique avec une grande liberté créative. Tu as étudié avec de grands maîtres, tout en développant un langage très personnel, empreint d’émotion et d’intuition. Comment cohabitent en toi technique et spontanéité ? Comment trouves-tu l’équilibre entre le savoir acquis et l’élan du moment sur scène ?
Merci pour ces questions, elles sont très intéressantes. Honnêtement, je ne suis pas vraiment conscient de la frontière entre tout ce que j’ai appris au fil des milliers d’heures passées à étudier la musique depuis mes six ans, et la spontanéité du moment présent. Ce qui est certain, c’est que toutes ces années de formation ont été nécessaires pour que je puisse aujourd’hui me sentir solide, libre et confiant sur plusieurs plans musicaux.
Tout cela est le fruit d’un processus organique continu, fondé sur la constance, la discipline et l’amour de la musique – et surtout aussi sur le plaisir de jouer, sans que cela devienne une obligation.
La spontanéité ne vient pas de nulle part : elle se travaille. Plus un artiste a de technique et de ressources, plus il peut s’exprimer librement, jouer avec la musique, mêlant ce qui a été préparé à ce qui naît sur l’instant. C’est une connexion totale avec le moment présent, avec le lieu et avec l’émotion propre à chaque concert, qui fait que le corps et l’esprit réagissent de manière unique.
2. Tu viens au Sénégal avec ton trio « Tornado », mais tu es aussi très actif en tant que soliste. Qu’est-ce qui change pour toi quand tu joues en groupe ? Qu’est-ce que cette formule à trois te permet d’explorer que tu ne pourrais pas faire en solo ?
Quand je joue en groupe, j’ai l’impression de dialoguer, de créer en temps réel avec mes compagnons – des musiciens que j’ai choisis pour développer un projet, un disque, un concept, un voyage musical.
En solo, c’est comme un monologue : je dois construire tout le discours moi-même, sans retour direct d’autres musiciens, seulement avec les réactions du public et mon propre état du moment.
Les deux expériences me passionnent : en groupe, c’est une catharsis partagée ; en solo, c’est une offrande intime et personnelle au public.
3. Tu as collaboré avec des artistes venus de domaines très variés : jazz, danse contemporaine, théâtre, flamenco… Qu’est-ce qui t’attire dans ces projets interdisciplinaires ? Que t’apportent-ils dans ta manière de concevoir la musique et l’art ?
Chaque collaboration est un univers en soi. Chaque artiste avec qui j’ai eu la chance de partager m’a appris quelque chose, car chacun possède une sensibilité et une trajectoire uniques.
Je me suis toujours senti caméléon dans ces contextes : parfois avec des artistes qui n’auraient peut-être pas connecté entre eux, mais avec qui j’ai su trouver un terrain fertile pour créer ensemble, que ce soit en duo, en trio ou dans de plus grandes formations.
Ce sont des expériences très enrichissantes, comme si je collectionnais dans une précieuse valise des apprentissages venus de personnes incroyables dans les domaines de la musique, du théâtre, de la danse ou de la littérature.
4. Tu as joué dans plus de trente pays. Comment chaque nouveau lieu influence-t-il ta manière de jouer ou d’improviser ? Dirais-tu que l’environnement transforme ta musique ?
Où que j’aille, j’aime flâner, découvrir la ville, admirer la culture locale, rencontrer les gens, goûter la cuisine, écouter la musique… Cette fois ne fait pas exception : j’ai décidé d’arriver cinq jours avant le concert à Saint-Louis pour m’imprégner de l’atmosphère. Je suis sûr que cela influencera ma manière de jouer avec Tornado.
Je ne suis pas du genre à rester enfermé dans ma chambre d’hôtel : j’ai besoin d’explorer, de ressentir le lieu et de vivre pleinement le présent.
5. Tu as souvent évoqué l’importance de l’espace et du lieu, la relation à la nature et la beauté du minimalisme. Penses-tu que ta musique reflète cette connexion avec l’environnement ? Comment ces éléments influencent-ils ton processus créatif ?
Je viens d’une île magnifique, Minorque, pleine de nature, de ciels limpides et d’eaux cristallines. Tout cela m’a profondément marqué, tout comme mes vingt années à Barcelone et mes voyages dans plus de quarante pays – des grandes capitales aux petits villages.
Cela m’influence énormément et modifie à chaque fois ma façon de jouer. C’est ce que j’aime le plus dans mon métier : voyager, découvrir, me nourrir des lieux et des gens. Je remercie la vie pour ces magnifiques opportunités.
6. En plus de ton activité d’interprète et de compositeur, tu enseignes également. Ce partage avec les élèves t’apporte-t-il quelque chose ? Comment l’enseignement nourrit-il ta propre pratique musicale ?
Absolument. J’aime profondément la musique, et j’aime aussi enseigner. J’adore partager avec des élèves de tous âges cette passion pour la musique et pour la vie.
Ce n’est pas une question de connaissances ou d’expérience, mais de plaisir, de partage, et du désir de garder vivante la flamme de la créativité et du jeu musical chez ceux qui veulent apprendre.
7. Enfin, que dirais-tu à quelqu’un qui ne connaît pas encore ta musique pour l’inviter à venir au concert du Festival de Jazz de Saint-Louis ?
Je lui dirais de venir vivre une expérience pleine d’émotions ! Je fais de la musique pour tous les publics, tous les âges, et mes deux compagnons Ramon Prats et Masa Kamaguchi sont formidables, très expressifs et généreux. On va passer un super moment !
