Comme chaque année, le 12 octobre est le grand rendez-vous culturel de l’Ambassade d’Espagne au Sénégal. Cette date est devenue l’opportunité parfaite pour mettre en avant la création artistique contemporaine espagnole, et la faire connaître à des nouveaux publics. C’est aussi une manière d’inviter les artistes à élargir leurs horizons, leur donnant la chance de se produire à l’étranger, en contact avec d’autres contextes et d’autres réalités.
C’est dans ce même esprit que l’Ambassade d’Espagne au Sénégal a invité le duo composé par Sara Jiménez et Pablo Giménez, qui présenteront pour la première fois au Sénégal leur spectacle Variation à Tempo. Elle, corégraphe renommée et danseuse de longue date ; lui, guitariste et héritier de la tradition musicale flamenca, transmise par son père, grand guitariste flamenco. Sara Jiménez s’est formé au Conservatoire de Séville et a travaillé avec des grands auteurs de la taille du cinéaste Carlos Saura ou du grand guitariste Antonio Rey, avant de commencer à créer ses propres corégraphies, qui lui valent d’énomes succès en Espagne et à l’étranger. De son côté, Pablo Giménez s’est formé aux conservatoires de Grenade et de Cordoue. Il est une sorte de griot du flamenco, tradition musicale qu’il a hérité de son père et manié pour la faire évoluer dans des compositions orchestrales avec des ensembles de corde, des pièces solistes, ou encore sur un tablao, aux côtés de danseuses comme Sara.
Ensemble, ils ont créé un spectacle qui cherche à interpeller notre onirisme, notre capacité à nous laisser suggestionner, pour nous emmener dans un espace rempli de vides, de silences, d’où germent le mouvement, la musique. Un espace qui prend la cadence du temps, une fugue, un jeu de lumières. Puis, c’est fini. Cet instant est parti.
Nous avons pu échanger un peu avec Sara pour vous faire entrer dans son univers créatif, avant la soirée du vendredi, où vous pourrez découvrir par vous même à quoi ça ressemble et vous laisser emporter avec les deux artistes vers ce lieu abstrait, où l’intangible prend forme.
Vous avez une carrière très riche, vous dansez depuis toute petite… Je voulais vous demander : comment vous êtes-vous rapproché de la danse, et à quel moment avez-vous commencé à passer d’être danseuse à la création de vos propres chorégraphies ?
Comme vous l’avez déjà souligné, je danse depuis mon enfance. Ma mère dit que je dansais déjà sans savoir marcher et sans avoir conscience de ce que je faisais.
Mon intérêt pour la création a toujours été présent, mais c’est en 2020 que j’ai présenté ma première pièce [ETC], lauréate du prix de chorégraphie au Certamen coreográfico Distrito de Tetuan, à Madrid. En 2022, j’ai fondé Sara Jiménez en Compañía avec la première de « Adioses » au Festival de Jerez.
Dans ce sens, en fouillant un peu votre parcours, je constate que vos spectacles sont des créations originales, souvent en solo, bien que vous ayez aussi des pièces avec des compagnies plus nombreuses. La danse flamenco étant traditionnellement assez unipersonnelle (bien que dans les tablaos traditionnels, il y ait des dialogues et un côté collectif très marqué), qu’est-ce que cela vous fait de diriger d’autres danseurs, de créer pour d’autres personnes, et que vous apporte cette dynamique, par opposition à la création de chorégraphies conçues uniquement pour vous/pour une seule personne ?
Créer pour d’autres danseurs, c’est de me mettre au service de leurs corps et de leurs besoins, c’est élargir mes horizons et mon regard au-delà de mes propres envies.
Cela contribue à l’élargissement de mon langage dansé et de mes propositions créatives.
En regardant des extraits de vos différentes œuvres, je constate qu’elles ont en commun un soin particulier du clair-obscur, des ombres, des silences, un mouvement subtil dont le tempo augmente progressivement… Quelles sont vos inspirations, d’où vient cette approche si délicate de la danse flamenco ?
En effet, je crois à l’importance de tous ces éléments pour que les œuvres gardent une pulsation vivante et ne nous laissent pas statiques sur nos sièges. Il n’y a pas de joie sans tristesse et vice versa, la génération des opposés est nécessaire pour que les deux existent.
Ma plus grande source d’inspiration vient toujours du tragique et c’est dans cet espace que je laisse entrer tout le reste.
La scénographie et l’éclairage sont-ils également conçus par vous ?
Dans certains cas, toute la partie créative est pensée par moi, mais, en général, j’ai une équipe artistique qui m’aide et contribue à mes propositions avec leur vision pour les amener plus tard sur scène.
La pièce Variation à Tempo est une création originale, dont la chorégraphie est de votre création et la musique a été composée par Pablo Giménez. Vous avez déjà créé d’autres pièces ensemble. Comment cette relation s’est-elle développée et quel est votre processus créatif en général, puis, plus particulièrement, comment s’est déroulée la création de Variation à Tempo ?
Pablo et moi nous connaissons depuis 20 ans et depuis que nous nous sommes rencontrés, nous travaillons main dans la main avec son père Juan Miguel Giménez (grand guitariste).
Variation à Tempo sort en 2020, juste après la pandémie. Il est né du besoin d’élargir et d’unir à nouveau nos voix pour les transmettre au monde. La création a été très facile car le travail de complicité était déjà en place depuis de nombreuses années.
Que diriez-vous de ce spectacle à un public qui ne connaît pas votre travail ? Que verrons-nous le 18 octobre au Cervantes ?
Le 18, vous pourrez assister à une symbiose entre l’espagnol et le flamenco. Une pièce qui, par le biais de la musique et de la danse, vous laisse dans une léthargie de rêverie, sachant que vous avez participé à un moment unique.